LES VISAGES DU SPORT

Les clubs et la Covid-19, une relation qui s’essoufle

Par Maël Baude et Louis Floc’h

Photos de Maël Baude

Infographie de Chloé Ebrel

Club de rugby
La Fédération Française de Rugby (FFR) est l’une des seules fédérations à avoir annoncé une augmentation du nombre de ses licenciés. 8 805 licenciés supplémentaires par rapport à l’année précédente (+4,73%).
En raison de la crise du coronavirus, le nombre de licencié·e·s a diminué de 9,4% en un an. Les restrictions sanitaires sont, principalement, les causes de cette baisse pour les clubs amateurs.

Au terme d’une année sportive 2020 largement entravée par la crise sanitaire, la santé financière des clubs amateurs est en péril. De moins en moins de licencié·e·s ainsi que de moins en moins de recettes pour les clubs. « Je ne peux pas me permettre de dépenser 205 euros dans une licence et ne pas avoir la certitude de jouer cette année », déplore Capucine Collin-Guillochin, 20 ans, étudiante à l’ESRA (Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle) Bretagne. Comme elle, de nombreuses personnes ont décidé de ne pas s’inscrire dans un club de sport depuis la rentrée de septembre 2020. Les chiffres diffèrent selon les sources, mais ils convergent tous vers ce constat : une baisse du nombre de licencié·e·s pour la saison sportive 2020-2021. D’après le sondage du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), effectué auprès de 72 fédérations et 44 000 clubs, ces derniers comptent près d’1,6 million de licencié·e·s en moins et 376 millions d'euros de pertes. Cette année, le nombre total de licencié·e·s a diminué de 9,4%, avec de grosses disparités entre les disciplines. Le football perd 2,78% de licencié·e·s, la lutte 44,08%.

« Les licences représentent 90% des recettes de notre club »

Si les mesures sanitaires ont eu des conséquences au sein de toutes les fédérations sportives, l'incertitude actuelle concerne les inscriptions. « Les licences représentent la survie d’un club, explique Thomas Teffo, président du club de football de la Cavale Blanche, dans le Finistère. En général, c’est 90% des recettes. » Beaucoup préfèrent ne pas adhérer au risque de payer pour rien. « Chez nous cette saison, cela n’a concerné que trois joueurs », précise Thomas Teffo avant d’ajouter :

« Maintenant, on attend le retour des parents qui vont forcément demander le remboursement. »

Pour soutenir les clubs au moment des retours probables des licencié·e·s, le gouvernement a mis en place une aide financière, en accord avec la Fédération française de football (FFF), d’une valeur de 10 euros par licence. Cette aide fait partie des nombreuses promesses mises sur la table, en novembre 2020, par le gouvernement. Parmi celles-ci, une enveloppe de 400 millions d’euros est destinée à aider le retour des Français·e·s dans un club sportif. Les pertes financières des associations sportives ne s'arrêtent pas simplement à ses adhérents. Outre les licences qui permettent aux clubs d’atteindre l’équilibre financier, les recettes engendrées les jours de matchs sont elles aussi à l’arrêt. À Plabennec, dans le nord-Finistère, le responsable des équipements sportifs, Kévin Moulec, confirme « Une perte financière considérable lorsque les matchs amateurs avaient lieu mais que la buvette restait fermée. Ça ne représente pas autant qu’une licence, mais ce sont quand même plusieurs milliers d’euros qui ne rentrent pas dans les caisses », raconte-t-il.

L’intérieur étouffé, le plein air respire

Rencontre de basket entre Fougères et Tourcoing
Les sports de salle connaissent une baisse plus marquée que ceux à l'air libre - ici la rencontre de basket entre Fougères et Tourcoing, le 17 octobre dernier.

Selon les fédérations, les conséquences des mesures de lutte contre le virus se font plus ou moins ressentir. Dans plusieurs clubs du Finistère, comme le Stade plabennecois et le Racing club de Lesneven, le bilan est, toutefois, plutôt positif. « On n’aura pas connu de baisse en période du Covid-19. Encore une fois, le seul risque concernait les inscription, mais finalement on s’en est sorti. Les gens avaient sûrement besoin de se défouler ». Si le football et l’athlétisme ont gardé leur souffle, d’autres disciplines ont davantage subi la crise sanitaire.

Les sports de salle connaissent une baisse plus marquée que ceux à l’air libre. Un constat valable pour le basket-ball (–11,27%), le handball (–15%), le volley (–14,9%), la gymnastique (–12,23%). Capucine Collin-Guillochin était joueuse à l’ASPTT Lannion volley-ball depuis 5 ans, elle témoigne : « Je voulais changer de club pour le Rheu volley-ball. Au terme de mes trois premiers entraînements avec le club, je me suis même inscrite. Mais le soir même, il y a eu l’allocution du président de la République dans laquelle il a déclaré le confinement. J’ai donc fait en sorte d’annuler mon inscription auprès de la ligue ».

Des gestes barrières inapplicables partout

Les pratiques sportives en salle les plus touchées sont les sports de combat (lutte, judo, karaté, taekwondo). Dans ces disciplines, il est impossible de respecter les gestes barrières. “On ne connaît pas une diminution aussi importante que pour la lutte (NDLR, -44%), on est aux alentours de -20, -25%. Sur les 72 licencié·e·s de 2019, 45 ont renouvelé leur licence en 2020”, raconte Ludovic Carlier, président du club de Gouren (NDLR, lutte bretonne) de Lannion, Skol Gouren Bro Lannuon. « Mais le fonctionnement particulier de notre discipline ne remet pas en cause la pérennité du club : étant donné que l'entraîneur est salarié du comité départemental de gouren, on ne le paie pas directement. On paie le comité en fonction de nos besoins, c’est-à-dire en fonction du nombre de nos licencié·e·s », poursuit-il. Si les recettes du club liées aux licences diminuent, les coûts diminuent aussi. Il y a compensation.

De l’aide pour les clubs en difficultés

D’ailleurs, à la Cavale Blanche, Manava Le Stir en est un bon exemple. À 19 ans, il effectue un service civique auprès du club de football depuis la rentrée et atteste d'une période spéciale qui s’est « quand même bien passée. Pendant ce second confinement, il n’y avait aucun entraînement organisé. J’étais confiné et je recevais 473 euros par une agence de paiement de l’Etat et 107 euros par le club. Récemment, on a pu reprendre mais la difficulté est d’organiser les heures d'entraînement. Impossible de faire du foot en salle et le terrain est partagé entre plusieurs équipes ». Depuis quelques jours, Manava a pu reprendre ses entraînements en présentiel.

Alors que le président de la République avait confirmé la fermeture définitive des infrastructures sportives jusqu’à 2021, la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a récemment évoqué « une réouverture progressive » avant la fin de l’année. Depuis le début de la crise, les clubs de sport n’ont jamais baissé les bras. Ils espèrent pouvoir relever la tête dans les prochains mois.

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Aylan